Vins de Vouvray


L’univers des vins


» En savoir plus...

L’univers des vins


» En savoir plus...
 
Vouvray "La recherche de l'équilibre".

"Dégustations et états d'âmes ...".

par Jacques Dupont

Producteurs de Vouvray.

A une époque où la réglementation est une sorte de troisième croisade, l'appellation vouvray est un anachronisme et un vrai casse-tête pour les organismes légiférants. « Chez nous, on peut tout faire ! » résume Philippe Brisebarre, président du cru, qui voudrait bien que ce « tout » ne soit pas confondu avec n'importe quoi. Tout, c'est un seul cépage décliné sous beaucoup de formes : pétillant, blanc sec, demi-sec ou moelleux. Avec entre ces catégories quelques hésitations, certains secs ayant des allures de demi-secs, comme d'ailleurs certains moelleux.
Le côté bulle, c'est ce que Brisebarre appelle « la trésorerie du vigneron ». La moitié en effet des récoltes devient du pétillant, quelquefois directement élaboré par le vigneron, la plupart du temps réalisé par le négoce spécialisé et la cave coopérative, qui totalise à elle seule près de deux millions de bouteilles. C'est grâce à cette activité que le vignoble vouvrillon a survécu, car si vouvray jouit d'une réputation ancienne et favorable, le baromètre des ventes de vins tranquilles (sans bulles) est loin d'afficher le beau fixe. D'abord parce que les producteurs ont pendant quelques décennies mélangé tristement qualité et quantité, jouant avec le sucre, usant et abusant du soufre pour bloquer les fermentations, sans trop penser aux lendemains qui déchantent. Le phénomène n'est pas propre à Vouvray. Toutes les régions productrices de vin moelleux, quand la demande était forte, ont suivi la même pente suicidaire qui les a conduites à se fâcher durablement avec les consommateurs. Lesquels, quand ils sont animés de la bonne intention de boire du vouvray, sont un peu perdus par les différentes déclinaisons possibles des vins. S'agit-il d'un sec pas tout à fait sec ? D'un sec à tendance demi-sec ? D'un demi-sec un peu sec ? Ou un peu moelleux ? A l'heure de l'Internet, qui a encore le temps de se poser autant de questions ?

Une durée de vie impressionnante

Il existe des réponses officielles. Celle contenue dans le décret établissant l'appellation contrôlée en 1936, et qui laisse aux vignerons le soin d'apprécier eux-mêmes dans quelle catégorie ranger le vin. Celle, plus contraignante, de la règle européenne précisant qu'un sec ne doit pas dépasser 9 grammes de sucre résiduel à la mise en bouteille ; un demi-sec se situe entre 9 et 18 grammes ; au-delà, c'est un moelleux. Une législation qui convient peut-être aux vins du Sud, dont l'acidité est faible, mais pas adaptée aux vouvrays ni aux chenins de la Loire, selon Philippe Brisebarre. « J'ai fait déguster une série de vins à des représentants de l'Inao, tout le monde s'est ramassé. Ils ont pris pour des demi-secs des vins qui avaient moins de 9 grammes et pour des secs d'autres qui passaient les 9 grammes. Notre problème n'est pas le taux de sucre restant, il est celui de l'équilibre. »
Annonces Vins Vouvray
Equilibre, c'est bien en effet le mot clé de cette appellation. Equilibre entre le sucre, l'alcool et l'acidité. Quand un de ces trois éléments domine les deux autres, c'est raté. Le chenin a la particularité de contenir une acidité prononcée, et quand il est conduit à des rendements raisonnables, de monter assez haut en sucre, surtout si la pourriture noble, le fameux botrytis dont on parle tant à Sauternes, vient concentrer les baies. Si, au cours de la fermentation, tout le sucre du raisin se transforme en alcool, on risque fort de déguster un vin brûlant et fort peu désaltérant. En revanche, si le degré alcoolique ne dépasse pas, par exemple, 12° et qu'il reste 6 grammes de sucre non fermenté, on ne devinera même pas la présence de ce dernier grâce à une acidité suffisante. C'est cela, l'équilibre, et, quand il est réussi, on déguste un des plus beaux vins blancs de la planète, en se fichant comme de l'an 40 des 4,6 ou 9 grammes de sucre qu'il contient. Cette acidité qu'adoucit la présence du sucre assure une durée de vie impressionnante à ces vins. Il n'est pas rare de trouver dans certaines caves des 1947 que l'on croit beaucoup plus jeunes, et parfois même des millésimes du XIXe siècle. Pour Noël Pinguet, du domaine Huet, le problème n'est pas dans la maîtrise de la vinification : « C'est la vigne qui commande. On ne peut pas faire de grands vins sans une qualité parfaite de raisin ; le reste, l'équilibre, cela se produit tout seul, naturellement. » Cette notion d'harmonie, d'équilibre, de recherche du vin le mieux adapté au millésime constitue la première préoccupation des vignerons les plus motivés de l'appellation, quelles que soient leurs divergences par ailleurs. Philippe Brisebarre récolte à la machine, « pour le moment », ironise Noël Pinguet, qui ne conçoit pas d'autres vendanges pour les vouvrays qu'à la main. C'est l'occasion pour les deux hommes de poursuivre le débat autour d'une vieille bouteille et de quelques rillons. En revanche, ils sont unanimes pour dire que les chenins à goûts herbacés et les moelleux « surnaturels », ils n'en veulent plus ! « En dehors des bulles, vouvray, c'est une écrasante majorité de secs et de demi-secs. Des vrais moelleux, il y en a 3 à 4 %. Et nous pourrions avoir en année exceptionnelle 1 % de sélection de grains nobles », conclut Philippe Brisebarre. « On ne peut pas faire tous les ans du 21, du 47, du 89 ou du 97, ajoute Noël Pinguet. Il ne faut pas forcer la nature, un sec tendre réussi est toujours préférable à un moelleux raté. »

Fiche signalétique

Surface : environ 2 000 ha.
Situation : sur la rive droite de la Loire, en amont de Tours.
Sols : principalement deux types de sols. Argilo-calcaire avec parfois très peu de terre et le plateau de calcaire tendre, le tuffeau, qui affleure.
Argilo-siliceux, - on dit « perruches » -, avec de nombreux silex en surface.
Cépages : officiellement un seul, le chenin, appelé aussi pineau de la Loire. Mais les textes anciens distinguent deux variétés de chenin : le gros pineau et le menu pineau, ce dernier étant aujourd'hui très minoritaire.
Millésimes :
2000 : une année favorable aux secs tendres et aux demi-secs que l'on peut boire assez vite.
1999 : millésime mouillé, moins riche en sucre.
Bon usage : Thierry Nerisson, sommelier de Jean Bardet à Tours et grand connaisseur des vouvrays, recommande de servir les liquoreux assez frais - 8 à 10 degrés -, les secs et demi-secs à 11 ou 12 degrés, en ayant soin de les passer en carafe au préalable. Volaille et veau sur les demi-secs, fromage de chèvre sur les très secs. Alain Senderens (Lucas- Carton) dit qu'il faut avec le vouvray « retrouver dans les plats quelques agrumes, un peu de zeste de citron, du gingembre, des abricots l'été, du coing l'hiver... »
Remarque : on trouve souvent chez les vignerons de vieux millésimes en vente à des prix raisonnables. Les grandes années donnent des vins de très longue garde.

Un vin de taffetas

« Les vins blancs des coteaux du canton de Vouvray, produits par le gros et le menu pineau de la Loire, donnent des vins dorés au léger goût de pierre à fusil, pétillants comme le champagne ou liquoreux comme le vin d'Espagne le plus riche. (...) Ils donnent d'excellents échantillons de ces vins blancs dont Rabelais parlait ainsi : "O Lacrima-Christi ! C'est de la Devinière [demeure de Rabelais, NDLR], c'est vin pineau. O le gentil vin blanc et, par mon âme ! ce n'est que vin de taffetas." Cette expression caractérise bien sa principale qualité.
Ce vin de taffetas, de soie, qui donne à l'estomac la sensation du velours, au lieu de laisser après lui les ardeurs des vins blancs alcooliques, est bien, comme celui de Bordeaux, le vin que l'école médicale moderne recherche pour les dyspeptiques. »
Edouard Ferret, « Dictionnaire-manuel du négociant en vins et spiritueux », 1896

Catherine Dhoye-Deruet

En 1990, Catherine Dhoye-Deruet a 32 ans. Elle est ingénieur agroalimentaire spécialisée dans la recherche. « Mes parents m'ont soudain annoncé qu'ils allaient prendre leur retraite et louer les vignes. Il y a eu une sorte de cri du coeur, la perte du patrimoine familial, je ne pouvais pas admettre. Quand je leur ai dit que je voulais reprendre, ils ont été surpris mais m'ont laissée faire. » Catherine a une idée bien à elle du vouvray : il doit être sec, tout à fait sec, de garde et vinifié en bois. « Un vigneron doit être en accord avec lui-même, j'aime les secs, je préfère les poissons aux gâteaux ! »

Philippe Brisebarre

Sa notoriété date de la création de la ligne TGV. Comme souvent, les concepteurs de déviations autoroutières ou de nouvelles lignes SNCF ne se soucient guère des terroirs prestigieux. Dans le cas présent, ils eurent fort à faire avec les vignerons de Vouvray qui, finalement, imposèrent un tunnel. Philippe Brisebarre, à cette occasion paraît-il, montra une âme de chef à la Vercingétorix, sauf que le prestigieux Gaulois n'arrosait pas les troupes romaines avec de la lie malodorante. Devenu président de l'appellation, il a conservé ses habitudes de fonceur et un franc-parler qui ne s'encombre pas de formules diplomatiques. Avec lui, les vouvrays d'autrefois aux goûts herbacés : « Ça doit gicler de l'appellation ! » Qu'on se le dise

90 vins dégustés à l'aveugle
(sélection)
* Moins de 40 F


- Secs 1999
15 - Catherine Dhoye-Deruet

64, rue de la Vallée- Coquette 37210 Vouvray. 02.47.52.67.92.
Coteau de la Fontainerie. Nez épicé, boisé avec des notes de cire et de coing, bouche vive, fermée, puissante, très structurée. Vin absolument sec, travaillé en fûts neufs, de garde, à ne pas toucher avant quatre ans. 95 F.
En attendant, le 95 Cuvée domaine (48 F) est à point aujourd'hui et s'avère magnifique. Le 97 (45 F) commence à s'épanouir.

15 - Benoît Gautier

Domaine de la Châtaigneraie 37210 Rochecorbon. 02.47.52.84.63.
Clos La Lanterne. Nez de pêche jaune, miel de forêt, cannelle, bouche légèrement boisée mais le mariage est plutôt réussi entre barriques et vin, dense, bien sec, long. 50 F.

*15 - Jean-Michel Gautier

La Racauderie 37210 Parcay-Meslay. 02.47.29.12.82.
Domaine de la Racauderie. Nez épicé, poire, mirabelle, bouche tendre, fruitée, beaucoup de finesse et de pureté dans ce vin assez long. 35 F.

14,5 - Vigneau- Chevreau

La Vallée de Vaux 37210 Chançay. 02.47.52.93.22.
Clos de Rougemont. Nez épices, cire, note grillée, bouche ample, dense, bien équilibrée. 42 F.

14 - Frédéric Bourillon

Domaine Bourillon- Dorléans - 30 bis, rue de Vaufoynard 37210 Rochecorbon. 02.47.52.83.07.
Argilo 99. Nez épicé, floral, tendre, floral, élégant, vin moderne, bien fait, bon équilibre. 40 F.

*14 - Cave des Producteurs de Vouvray

38, rue de la Vallée- Coquette 37210 Vouvray. 02.47.52.75.03.
Nez épicé, coing, miel, bouche ronde, bien fruitée, souple, déjà très agréable. 32 F.

*13,5 - Maillet et fils

101, rue de la Vallée- Coquette 37210 Vouvray. 02.47.52.76.46.
Un nez un peu étrange de litchi et d'abricot, bouche souple, bien parfumée, agréable dès aujourd'hui mais sur des notes assez exotiques. 29 F.

- Secs 2000
16,5 - Noël Pinguet

Domaine Huet - 11/13 rue de la Croix-Buisée 37210 Vouvray. 02.47.52.78.87.
Le Mont. Nez de miel, d'épices douces, de coing, petite note de noisette, bouche pleine, dense, onctueuse et délicate, équilibre parfait. 68,90 F.

*16 - Philippe Brisebarre

Rue de la Vallée- Chartier 37210 Vouvray. 02.47.52.63.07.
Nez épicé, miel, pomme cuite, bouche ample, grasse, onctueuse, délicate, bien équilibrée, d'une grande longueur. Joli vin de garde mais que l'on peut commencer à boire. 32,80 F.

15 - Bernard Fouquet

22, rue Vallée-de-Nouy 37210 Vouvray. 02.47.52.67.82.
Nez de miel et d'épices, légèrement boisé, bouche dense, longue, droite, harmonieux. 70 F.

*14,5 - Bruno et Jean-Michel Pieaux

La Vallée de Vaux 37210 Chançay. 02.47.52.25.51.
Nez minéral, craie et des notes d'amande, bouche vive mais équilibrée, bien construite, d'une bonne longueur. A attendre deux ans. 29 F.

*14 - Jean-Pierre Boistard

216, rue Neuve 37210 Vernou-sur-Brenne. 02.47.52.18.73.
Nez épicé et grillé, bouche dense, légèrement tannique, bien équilibrée, pas mal de gras, bonne longueur. 28 F.

14 - Catherine et Didier Champalou

7, rue du Grand-Ormeau 37210 Vouvray. 02.47.52.64.49.
Nez fermé (vin à carafer si on le boit jeune), bouche grasse, pleine, très tendre, tirant un peu sur le demi-sec, gourmande. 43 F.

*14 - Gilles et Pierre Champion

57, rue Jean-Jaurès 37210 Vernou-sur-Brenne. 02.47.52.02.38.
Nez frais avec des notes de champignons et de craie, bouche tendre, ronde, souple, facile et rafraîchissante. 28 F.

*14 - Alain Robert

Charmigny - 37210 Chançay. 02.47.52.97.95.
Nez épicé, coing, bouche fruitée, légèrement tannique, élégante, vin jeune. A attendre. 24 F.

- Demi-secs 1999
*14 - Paul Buisse

69, route de Vierzon 41400 Montrichard. 02.54.32.00.01.
Cuvée Prestige. Nez de mirabelle, épices douces, vanille, bouche grasse, douce, favorisant le fruit. 34 F.

14 - Gauthier-Lhomme

Lionel Gauthier - Mélotin 37380 Reugny. 02.47.52.96.41.
Domaine du Viking. Nez épicé, amande grillée, noisette, miel, bouche dense, structurée, bonne acidité, un peu de tanins, bon vin de garde. 42 F.

*14 - Vigneau- Chevreau

La Vallée de Vaux. 37210 Chançay. 02.47.52.93.22.
Nez banane sèche, pointe d'iode, gras, dense, abricot et miel en bouche, déjà agréable, bonne longueur. 36 F.

- Demi-secs 2000
16 - Noël Pinguet

Domaine Huet - 11/13, rue de la Croix-Buisée 37210 Vouvray. 02.47.52.78.87.
Nez d'amande grillée, nèfle, miel, abricot sec, bouche tendre, onctueuse, remarquablement équilibrée, fraîcheur et gourmandise. 69,50 F.

15 - Domaine des Aubuisières

Bernard Fouquet - 22, rue Vallée-de-Nouy 37210 Vouvray. 02.47.52.67.82.
Les Giradières. Nez floral, pêche blanche, rond, tendre, élégant, harmonieux, très fin. 45 F.

*14 - Alain Robert

Charmigny 37210 Chançay. 02.47.52.97.95.
Nez fermé, minéral, bouche ronde, agréable, avec des notes de fruits blancs, fin, bien équilibré. 25 F.

© Le Point -
07/09/2001 - N°1512

- Spécial vins 2001 - Page 150 - 2216 mots .